Préface de Marc Braun
Doyen de la Faculté de médecine de Nancy
La Faculté de médecine, maïeutique et métiers de la santé de Nancy est l'héritière d'une longue tradition lorraine d'école de médecine. Son entrée dans la modernité, sa structuration telle que nous l'entendons aujourd'hui s'est déroulée après le fracas de la défaite française face à la Prusse en 1870. Comme l'Alsace, la Lorraine s'est retrouvée gravement affectée par le découpage géographique imposé par le vainqueur. C'est de cette infortune qu'est née la Faculté à Nancy, de l'esprit de fierté venu de Strasbourg et souhaité par la nation. Les autres préfaces la décrivent dans leur contexte et avec talent.
L'histoire nous enseigne une permanence des esprits, des caractères et des trajectoires individuelles et collectives. La Lorraine et l'Alsace dont l'histoire est parallèle sans se confondre tout à fait, sont des territoires liés par le massif des Vosges et par leurs frontières respectives.
L'heure est au rassemblement des forces universitaires à l'échelle de leur propre territoire et dans une dimension régionale. Les deux Facultés de Nancy et de Strasbourg y puisent aujourd'hui et plus encore demain la raison d'être de leur politique et de leurs partenariats. Les nouveaux contours politiques de la région Grand Est (entrainant l'exécutif politique et rectoral) permettent que leurs projets de recherche s'écrivent aujourd'hui ensemble (y compris avec la Faculté de Reims) pour que la population puisse bénéficier de l'excellence, pour que la région puisse briller au centre de l'Europe en partenariat avec ses voisins allemand, suisse, luxembourgeois et belges. La Faculté de médecine de l'université de Lorraine vit pleinement ses liens privilégiés avec ses partenaires en termes de formation transfrontalière avec la Sarre, le Luxembourg et la Wallonie (plan interReg européen 2017-2022). Les collaborations en recherche se développent.
Quel contraste avec les périodes troublées dont nous célébrons la mémoire ! Cette leçon de solidarité que nos anciens nous ont donnée s'applique maintenant dans les cadres de l'Europe dont les valeurs de paix, de solidarité, de démocratie participative et sanitaire sont essentielles car elles nous caractérisent.
Ici, nous avons retenu les leçons de l'histoire. Mais ces leçons doivent être défendues avec constance par les nouvelles générations car elles sont soumises à une érosion interne et à des coups de boutoirs extérieurs. Localement, le plan Campus a permis la réunion sur le site de Brabois des Facultés de santé. Cette année, elles vivent déjà leur cinquième rentrée commune alors que le site est déjà reconnu pour sa beauté et sa qualité de vie. Cette transformation plus respectueuse de l'environnement sera poursuivie pour en faire un jardin remarquable. Dans cet écrin, la proximité crée la connivence et les formations interprofessionnelles plus facile. L'attention à l'environnement est ainsi rappelée avec talent et insistance.
La Faculté s'est transformée en accueillant d'autres filières de formation en santé et, comme à Strasbourg, elle a modernisé son fonctionnement et changé de nom.Et bientôt le nouvel hôpital de Nancy offrira un site remarquable à la métropole et à toute la région.
La création en 2012 de l'Université de Lorraine est une autre manifestation de cette volonté de réunir à l'échelle de la Lorraine, en respectant les particularismes et avec une vision affermie de ce que signifie une offre universitaire et sanitaire globale pour la population lorraine, transfrontalière et régionale. Les frontières internes et externes se troublent car les hommes sont semblables de part et d'autre des tracés des cartes. Sachons-nous y adapter ! Les nouvelles générations d'enseignants s'installent, les pratiques pédagogiques suivent enfin l'évolution les leçons de la recherche en pédagogie pour s'adapter aux profondes mutations du monde et à l'esprit nouveau des générations d'étudiants. Le XXIe siècle s'approche de son premier quartier. Le monde est rude mais l'esprit de solidarité et de partage nous tient ensemble.
Préface de Mathieu Klein
Maire de Nancy
Nancy,
ville de médecine ? Les signes sont nombreux qui en sont des rappels
concrets et éloquents.
C’est le
cas notamment de plusieurs plaques de rues nancéiennes ; ainsi des rues
« du Docteur-Schmitt », « de l’Hôpital Saint-Julien »,
« du Docteur Liébault », « de
l’hôpital », « du Docteur Achille-Lévy », etc. Ces patronymes
donnés à des voies, impasses et passages de Nancy indiquent l’imprégnation du
fait médical de la cité ducale. Ils sont l’un des fruits de l’implantation
ancienne d’une Université de médecine dont cet ouvrage constitue un très bel
hommage. A ce titre, le travail mené par le professeur Bernard Legras doit être salué.
Cette
profondeur historique est précieuse, a
fortiori en ce vingt et unième siècle débutant où les enjeux de santé
concentrent les attentes, souvent les inquiétudes, de nos concitoyennes et
concitoyens. L’épidémie de Covid a en cela été une acmé du sujet sanitaire dont tout
indique, sous l’effet notamment du vieillissement des populations issues du
baby-boom, qu’il demeurera une préoccupation cardinale pour les années et
décennies prochaines.
Sur ce
point, la Métropole du Grand Nancy peut faire valoir des atouts puissants et
devenir une place forte en santé. Elle est déjà bien positionnée. La santé y est
le premier employeur avec 17000 emplois publics et privés. Il y a 9600
étudiants en santé dans l’unité urbaine et le CHU de Nancy a été désigné comme
l’un des meilleurs hôpitaux français en 2020. Le tissu de recherche, de
formations et de compétences en matière de santé est par conséquent très dense.
Ces éléments – souvent
méconnus – sont des atouts pour bâtir une filière innovante capable de
s’appuyer sur des spécialités médico-scientifiques métropolitaines, en
particulier les nanoparticules magnétiques, les nouvelles avancées de la
radiothérapie, l’innovation dans les prothèses, la révolution de l’impression
3D/4D, la télémédecine, les biotechnologies pour le bien-être, le traitement
des maladies liées à l’âge ou la nano-encapsulation des médicaments.
On le
voit, l’histoire de la médecine ne cesse de s’écrire. Puissent celles et ceux
qui se consacreront aux soins de leurs concitoyens trouver dans ce livre
matière à réflexion et inspiration.
Préface de Christian Rabaud
Président de la Commission médicale du Centre
hospitalo-universitaire de Nancy
Notre Faculté de médecine a donc déjà 150 ans
d’existence.
Cela valait sans aucun doute un nouvel
ouvrage de notre ami le professeur Bernard LEGRAS qui a déjà tant fait pour la
mémoire de nos hôpitaux et des professeurs qui se sont succédés tant dans ces
derniers qu’à la Faculté. Nous nous trouvons une fois encore face à un volume
impressionnant, qui regorge d’informations relatives à l’institution elle-même,
à ses liens avec l’hôpital, et à l’évolution des disciplines médicales qui y
ont prospéré. Sans doute n’est-il pas à lire d’une traite, mais chacun pourra –
dans sa discipline et au-delà – y revenir régulièrement pour mieux comprendre
le chemin parcouru, le pourquoi de la situation actuelle et nourrir sa
réflexion quant aux perspectives à poursuivre.
En 150
ans, notre Faculté qui était au départ, et comme les autres Facultés de
médecine à l’époque, « une école
professionnelle » dont le cursus durait quatre années, a su évoluer avec
son temps et avec l’hôpital pour devenir – au-delà de l’école professionnelle
qu’elle est restée et restera - un lieu d’enseignement scientifique de haut
niveau ouvrant ses étudiants au chemin de la recherche.
Pendant
ces 150 ans, la Faculté et l’Hôpital ont évolué, grandi, prospéré, de concert,
l’Hôpital étant le lieu de la formation pratique (cliniques). Dès l’arrivée de
la Faculté en 1872, il est apparu que les structures hospitalières existantes
étaient trop exiguës et qu’il fallait construire un hôpital général des
cliniques ce qui fut approuvé par le Conseil municipal, le 25 février 1878, et
les constructions furent alors aussitôt commencées conduisant à l'inauguration
du nouvel hôpital « Hôpital Civil » (aujourd’hui l’Hôpital Central)
le 5 novembre 1882. Outre les salles dédiées à l’hébergement des malades (deux
services de médecine et deux services de chirurgie au départ, quatre salles
dans chaque service, deux pour les femmes et deux pour les hommes)
l’établissement comptait un laboratoire et des salles de conférence. De plus,
des pavillons spéciaux furent destinés aux malades atteints d'affections
contagieuses. L’évolution se fait ensuite pas à pas – au fur et à mesure du
développement des connaissances et de l’individualisation de nouvelles
spécialités comme, par exemple, l’urologie pour laquelle une consultation
spéciale pour maladies des voies urinaires a été ouverte en 1899 avant qu’une
salle spéciale soit aménagée en 1901. Il en fut ainsi aussi pour la
dermatologie et la prise en charge des syphilis à l’hôpital Maringer,
puis de la prise en charge des tuberculeux dans un autre bâtiment construit à
cette fin à proximité de Maringer, l’hôpital Villemin.
Ainsi, face à chaque nouveau fléau s’individualisent de nouveaux spécialistes,
enseignant à la Faculté et disposant sur le plan du soin de structure dédiées,
équipées et ainsi appropriées. Comme cela est exposé plus précisément dans les
pages de cet ouvrage, on peut ainsi citer l’individualisation de certaines
spécialités avec la création des chaires correspondantes : obstétrique et gynécologie
(1872-STOLTZ), pédiatrie (1906-HAUSHALTER), dermatologie (1917-SPILLMANN),
ophtalmologie (1899-ROHMER), chirurgie infantile et orthopédique
(1919-FROELICH), urologie (1921-ANDRÉ), gynécologie (1924-VAUTRIN),
oto-rhino-laryngologie (1921-JACQUES) et plus près de nous, neurochirurgie
(1947-ROUSSEAU), stomatologie et chirurgie plastique (1960-GOSSEREZ). Par
ailleurs, certains services de médecine dits un temps « complémentaires »
prirent ainsi une identité nouvelle : cardiologie (L. MATHIEU), rhumatologie
(LOUYOT), gastro-entérologie (HEULLY), allergologie (GRILLIAT).
Ainsi,
comme on le voit, les mutations sont constantes, en lien avec la progression
globale des connaissances qu’il faut savoir enseigner, partager ; et pour
ce faire, les programmes, les méthodes pédagogiques, les cursus, ne cessent
d’évoluer, encore aujourd’hui, sous l’impulsion des doyens et notoirement de
l’actuel doyen de la Faculté de médecine de Nancy, le professeur Marc BRAUN.
Notre Faculté
de médecine a donc déjà 150 d’existence et a su, durant toute cette période,
être aux rendez-vous de l’évolution des connaissances médicales à la
progression desquelles elle contribue activement avec son intense activité de
recherche fondamentale, mais aussi et surtout clinique. Ceci lui permet d’être
et de rester toujours au top pour offrir à ses étudiants une formation sans
cesse actualisée, et aux patients qui sont pris en charge par ces
professionnels, enseignants ou étudiants, une médecine de recours de tout
premier ordre. Gageons que les années, décennies, à venir verrons cette
excellence encore se majorer.
Préface de Jacques Roland
Doyen honoraire de la Faculté de médecine
de Nancy
Peu d’institutions ont une histoire qui épouse autant
celle de leur région qu’une
Faculté de médecine. C’est particulièrement le cas de la
nôtre, et dès ses débuts, marqués tant par la situation
politique, que par l’état sanitaire de la population. Situation
politique, car l’époque de son avènement est celui du plus fort des
guerres de religion, dans une université destinée à endiguer
la poussée intellectuelle protestante. Situation sanitaire, car la
population lorraine subissait, dans une des périodes les plus tristes de
son histoire qui aboutira à la guerre de trente ans, la
répétition de terribles épidémies de peste ; plusieurs
des nouveaux professeurs de la Faculté, en furent victimes et, parmi eux,
son premier doyen, Charles Lepois. Remarquons, au passage, que si notre université
est née à Pont-à-Mousson, c’est dans une hésitation du
Cardinal de Lorraine entre Metz et Nancy, déjà !
Se pencher sur les écrits anciens permet aussi de constater
combien était fragile une Faculté en devenir. D’abord mal acceptée par les
responsables jésuites de l’Université, qui craignaient l’installation
d’enseignants laïcs et surtout d’étudiants turbulents, elle débuta sans moyens
ni locaux, le premier professeur, Toussaint Fournier, donnait ses cours à son
propre domicile. Mais peu à peu, et en particulier grâce à Charles Lepois,
nommé docteur régent par le duc Charles III, la faculté prospéra, des étudiants
affluèrent, l’équipe professorale se renforça. Au tout début du dix-septième
siècle, la Faculté disposait de quatre chaires comme Montpellier, une de plus
que Strasbourg. Notre Faculté a gardé dans son musée les portraits de ses
premiers professeurs. Les recherches de Charles Lepois étaient basées sur une
observation attentive des malades, sur les autopsies. Ses écrits restent connus
dans l’histoire médicale en particulier de l’épileptologie.
Le retour de la Lorraine à la prospérité,
l’influence positive de ducs bâtisseurs, puis du roi Stanislas,
conférèrent à Nancy une attraction qui déstabilisa les
institutions universitaires mussipontaines, et tout particulièrement dans
notre domaine. Le corps médical nancéien, nombreux et actif, trouva
dans la création du Collège royal de médecine par Stanislas
en 1752 une consécration qui ne pouvait qu’être achevée par
la venue à Nancy de la Faculté, ce qui fut fait en 1768. La
Révolution allait à son tour bouleverser la Faculté : comme
toutes les autres, elle fut supprimée, et comme la plupart, oubliée
par Napoléon. Celui-ci ne rétablit dans leur rang que Montpellier,
Paris et Strasbourg.
Mais la flamme de l’enseignement médical ne
s’éteignit pas à Nancy. Des praticiens passionnés, comme Haldat
du Lys, et plusieurs membres de la famille Simonin, à qui l’on doit tant,
permirent de rétablir un enseignement, d’abord libre, puis sous forme
d’École secondaire puis préparatoire de médecine, à l’instar
de ce qui se passait à Lyon ou à Lille. Nancy était donc
prête à retrouver sa Faculté de médecine. Là
encore, c’est un rendez-vous dramatique de l’histoire qui lui en donna l’occasion.
Le désastre de la guerre de 1870, l’annexion de
l’Alsace par l’Allemagne, la fidélité à la France des
enseignants de la Faculté de médecine de Strasbourg,
imposèrent l’idée de redonner à cette Faculté
française un nouveau foyer. Ce fut Nancy, ville patriote, ville symbole
du combat des frontières, qui fut choisie. Tous les Lorrains animés
de la passion pour une université nancéienne puissante, comme le
baron Guerrier de Dumas, et pour le retour d’une Faculté de
médecine, trouvèrent ainsi la consécration justifiée de
leurs efforts. Le « transfèrement » de la Faculté de
Strasbourg fut officialisé le 19 novembre 1872.
En s’appuyant largement sur des textes écrits notamment
par des enseignants de grande qualité, l’ouvrage nous présente
l’évolution jusqu’à la période récente de cette «
nouvelle » faculté. Avec lui, on retrouvera les effets de ce « ressac »
de la rivalité franco-allemande dans la vie de notre établissement.
Nancy, après la Grande Guerre rendra à Strasbourg l’aide que
celle-ci lui avait prodiguée, certains de nos professeurs, et non des
moindres, allant renforcer le corps des enseignants alsaciens. Notre Faculté
le fit après avoir permis à son Université de recevoir la
Légion d’honneur, elle qui était restée seule en
activité pendant toute la durée du conflit, et aux pires moments.
La deuxième guerre la marquera aussi largement et une partie importante
de ses enseignants sera déportée, en particulier son doyen Maurice
Lucien et le futur doyen Jacques Parisot.
Sur le plan « hospitalier », notre histoire est plus ancienne
encore. Le premier « hôpital » à Nancy, en aval des premières
maisons hospitalières, sortes d’hôtels qui accueillaient les mendiants et les
voyageurs, fut l’hôpital Notre-Dame dirigé par les sœurs grises de
Sainte-Elisabeth en 1158. C’est en 1336 que fut érigé le premier hospice
Saint-Julien, qui tomba en ruine à la fin du quatorzième siècle et
fut reconstruit entre 1587 et 1589. A la fin du dix-neuvième siècle, son
encombrement et la vétusté de ses bâtiments conduisirent
à envisager sa reconstruction. Un troisième et dernier
établissement portant le nom d'hospice Saint-Julien ouvrit ses portes le
1er octobre 1900 sur son emplacement actuel. C’est ensuite en aval du « transfèrement »
de la Faculté de Strasbourg à Nancy le 19 mars 1872 que fut
construit l’hôpital central entre 1879 et 1883, qui s’appelait d’abord
hospices civils de Nancy jusqu’en 1931. Au lendemain de la libération, l’hôpital
central fut transformé́ en centre hospitalier régional. Ensuite, en
1973, s’ouvrit l'hôpital de Brabois et en 1982, l'hôpital
d’enfants.
L’ouvrage nous fait approcher l’histoire globale de notre
établissement universitaire, mais aussi l’histoire de la médecine
elle-même, dans une période charnière où l’on passe de
l’empirisme à la médecine scientifique : l’histoire des chaires est
particulièrement évocatrice à ce propos tant leur
foisonnement marque la direction des progrès. C’est aussi une histoire
d’êtres humains, dont les défauts étaient ceux de leur
condition et de leur époque, mais dont le talent, le dévouement, et
parfois le sacrifice, donnent un exemple à tous ceux qui animent ou prolongeront
l’histoire de notre Faculté.
Préface de Jean Sibilia
Doyen actuel de la Faculté de médecine de Strasbourg
« L’espérance n’est jamais une certitude mais la foi dans le possible »
Edgar Morin, Stephan Hessel, Le chant de l’espérance, 2011.
L’histoire de nos Facultés de médecine est le témoin d’un passé qui éclaire ce que nous sommes. Cette histoire est « un perpétuel recommencement » guidé par la nature profonde d’Homo sapiens qui ne change pas comme nous le rappelle si souvent le quotidien de notre monde.
L’histoire des Facultés de médecine de Nancy et de Strasbourg s’entremêle dans un destin qui a forgé l’Europe d’aujourd’hui. La défaite de la France contre la Prusse bismarckienne en 1871 a été un moment marquant de l’histoire tourmentée de l’Alsace-Lorraine. Ce moment dramatique a été fondateur car il a permis un rapprochement unique entre Strasbourg et Nancy qui sont et resteront éternellement liés par le « transfèrement » de la Faculté strasbourgeoise signé le 1er octobre 1872 par Thiers. Charles Schutzenberger avait créé l’école de médecine autonome de Strasbourg entre 1870 et 1872, rêvant d’une Université alsacienne et lorraine libre au sein d’une Allemagne réunifiée mais ce projet utopique a été refusé par le Reich. L’émergence de la Kaiser Wilhelm Universität (Medicinische Fakultät de la Reichsuniversität von Strassburg) a été souhaitée pour être l’expression strasbourgeoise d’une Allemagne conquérante et puissante. Cette université accueillera des médecins célèbres comme Waldeyer et Von Recklinghausen qui sont restés dans la grande histoire de la médecine.
Le « transfèrement » de la Faculté de médecine de Strasbourg à Nancy a créé des liens de fraternité dans un contexte agité entre les universités et les écoles de médecine de cette époque. L’histoire nous apprend que cette création s’est faite dans la difficulté, marquée par des positions opportunistes et partisanes de la Faculté de médecine de Montpellier et de l’école de médecine de Lyon. Au-delà de ces péripéties profondément humaines, l’école médicale nancéenne a ouvert les bras à la Faculté de médecine de Strasbourg. Cette rencontre a permis une forme de symbiose fondatrice entre les corps professoraux de nos deux villes, avec comme symbole Alexis Stoltz, dernier doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg qui sera le premier doyen de la nouvelle Faculté de Nancy.
Cette période de « cohabitation » sera marquée à Strasbourg, de 1872 à 1918, par le rayonnement d’une Faculté wilhelmienne emblématique qui marquera certainement le modèle faculté-hôpital préfigurant l’émergence des CHU en 1958. En 1918, la Faculté de médecine de Strasbourg redevient française sous l’égide du doyen Georges Weiss qui va reconstruire une équipe universitaire extraordinaire incluant notamment Bouin et Ancel de Nancy qui vont créer un centre mondialement reconnu d’endocrinologie sexuelle expérimentale. Cette histoire est constellée de noms célèbres comme Borrel, Masson, Leriche, Pautrier et Aron, qui laisseront de belles lettres de noblesse universitaires. Ils ont donné une impulsion à une recherche médicale naissante qui marquera la culture strasbourgeoise universitaire. L’histoire rebondira encore avec la déclaration de guerre en 1939 qui poussera au transfert de la Faculté de Strasbourg à Clermont-Ferrand et à la création de la Reichsuniversität de Strasbourg en 1941. La sombre histoire de cette université du Reich nazi a marqué à jamais l’histoire des Hommes en maltraitant profondément nos valeurs humanistes élémentaires.
La victoire de 1945 permettra le retour de la Faculté de médecine de Clermont-Ferrand à Strasbourg. Depuis ce retour des liens se construisent entre nos deux facultés. Nancy et Strasbourg sont liées par l’histoire mais leurs histoires ont été marquées de nombreuses péripéties faites de respect, mais aussi de tensions, de compétition et d’incompréhensions qui caractérisent la vie des familles les plus unies.
Ces péripéties n’éteindront jamais les liens fraternels entre Strasbourg et Nancy. Ces liens sont une profonde fierté car l’on grandit toujours par ce que l’on partage, plus que par ce que l’on jalouse. Cette fraternité est d’autant plus importante que nous traversons, à nouveau, des turbulences populistes et guerrières, soubresauts récurrents de ce que nous sommes. Plus que jamais, nous devons faire briller notre vision universitaire forts de nos valeurs humanistes. Qui, plus que nos institutions universitaires de santé, peut s’engager à montrer la voie ? Cette voie que nous pouvons emprunter ensemble doit être celle d’une communauté, riche de sa culture et de ses traditions, fière de son histoire mais surtout consciente des immenses enjeux que nous allons affronter.
Notre fraternité doit rimer avec un altruisme exemplaire qui doit nous faire sortir de querelles communautaires totalement déplacées. Ce n’est pas le moment de « déconstruire » car l’histoire ne se rejuge pas, mais elle s’intègre dans une démarche de compréhension, qui mène à « construire » un monde plus solidaire conscient que nous sommes liés par un destin commun. Regardons donc ce qui nous unit, oublions ce qui nous divise et faisons de nos singularités une poésie de diversité et non une litanie de rancœur et d’amertume qui ne peut que meurtrir notre âme. Souvenons-nous de l’élan du 1er octobre 1872. Il a été un évènement peut-être insignifiant pour le monde, mais il a été un exemple fondateur de ce que l’homme peut faire de mieux dans l’adversité. Que cet élan redonne confiance dans l’avenir qui peut être radieux si nous le voulons.