Mgr Papin est évèque honraire de Nancy et Toul
Avec l'Evangile de Matthieu , Bernard Legras achève son ouvrage de mise en regard des quatre évangiles avec des œuvres picturales variées. Mise en regard particulièrement heureuse, car elle permet au lecteur des évangiles un aller et retour fécond entre la lecture et la contemplation. Les évangiles ne sont pas d'abord des écrits doctrinaux. Ils nous rapportent les paroles et les gestes par lesquels Jésus appelait ses auditeurs à la conversion du cœur. La conjonction des écrits évangéliques avec des œuvres d'art représentant des scènes d'évangile sert cette finalité par la voie de la beauté. En représentant visuellement la scène qu'il relate, elle aide à ce que le texte touche le cœur. Il n'est donc pas étonnant que les évangiles aient fréquemment inspiré les peintres, les musiciens, les sculpteurs et les poètes. Il y a une connivence intime entre l'art et la foi.
L'Evangile de Matthieu a été écrit pour une communauté chrétienne très enracinée dans le judaïsme. Juif d'origine, l'auteur s'emploie à montrer la continuité entre Israël, le peuple de la première alliance, et l'Église, peuple de l'alliance nouvelle. C'est pourquoi Matthieu fait de nombreuses références aux Ecritures et aux pratiques juives. Jésus n'est pas venu abolir la Loi mais la porter à son accomplissement. Cependant, Matthieu montre aussi qu'il y a discontinuité, voire même tension et rupture entre l'enseignement de Jésus et le judaïsme officiel. D'où les nombreuses controverses que relate l'évangile entre les maîtres officiels en Israël et Jésus. Celles-ci deviendront plus vives lorsque Jésus, à partir du chapitre 19, quittera la Galilée et se rendra en Judée, berceau du judaïsme. Deux chapitres plus loin, ce sera l'entrée triomphale à Jérusalem, suivies de nombreuses polémiques avec les grands prêtres, les scribes et les Anciens qui les conduiront à la décision d'arrêter Jésus.
Ce rapport aux Ecritures juives commande chez Matthieu les noms qu'il donne à Jésus. Dès le premier verset de l'évangile, il l'appelle Fils de David . Ce nom sera souvent utilisé par les infirmes et les malades qui le supplient de les guérir. Et c'est sous cette appellation que Jésus sera acclamé lors de son entrée triomphale à Jérusalem : « Hosanna, Fils de David » Jésus n'a jamais refusé ce nom, tout en laissant entendre qu'en tant que Seigneur il est plus grand que le fils de David.
Matthieu présente également Jésus comme le nouveau Moïse, notamment dans le discours sur la montagne (chapitre 5) où il proclame une Loi nouvelle qui surpasse celle donnée par Moïse sur le mont Sinaï.
Quant à l'appellation Fils de l'homme , elle fait référence au chapitre 7 du livre du prophète Daniel. On la trouve très souvent dans la bouche de Jésus, soit que parfois il se distancie de cette figure biblique, soit que, le plus souvent, il s'identifie à elle.
Enfin, dès le premier chapitre de l'évangile, lorsque Joseph donne son nom à Jésus, Matthieu fait référence à la prophétie d'Isaïe : « La vierge sera enceinte, elle mettra au monde un fils et on l'appellera Emmanuel, ce qui signifie « Dieu avec nous » . Expression que l'on retrouvera au dernier verset de l'évangile lorsqu'au moment de les quitter et de les envoyer en mission, Jésus leur dit : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps » . Jésus, l'Emmanuel, Dieu avec nous, pour toujours !
Puisse la lecture de l'Evangile de Matthieu associée de façon pertinente par Bernard Legras aux œuvres picturales de grands maîtres aider le lecteur à entrer dans l'intelligence du message de Jésus et à se laisser toucher par lui.