Préface de Jean-Christian Petitfils
Historien et auteur
français
« Si le Christ n’est pas ressuscité, écrivait
saint Paul, votre foi est vaine. »
Ainsi s’adressait-il au printemps de l’année 55 aux chrétiens grecs de
Corinthe, gagnés au sein de la grande cité païenne par les divisions, le
laxisme moral et l’incrédulité, leur rappelant le cœur même de la foi en
Jésus-Christ.
La
leçon n’est-elle pas encore valable de nos jours ? Dans un sondage publié
en août 2012 par l’hebdomadaire chrétien La
Vie, pas moins de 38 % de personnes se disant « catholiques
pratiquantes » ne croient pas à la résurrection de Jésus. Et en quoi
croient-elles donc ? En la réincarnation ? A la mort éternelle ?
En une résurrection purement spirituelle (Jésus continuant de vivre dans notre
souvenir !) ? Mais à quoi bon continuer de pratiquer dans ce cas ? Cet illogisme traduit peut-être la
puissance de l’habitude, plus sûrement la pauvreté de la formation doctrinale
des catholiques français.
C’est
à eux sans doute, mais aussi à tous les incroyants que s’adresse le petit livre
si utile de Bernard Legras. Ce n’est pas une
catéchèse, précisons-le. L’auteur n’est ni prêtre, ni religieux, ni théologien,
mais un scientifique, professeur honoraire à la Faculté de médecine de Nancy.
Sans
faire mystère de sa foi chrétienne, il s’appuie essentiellement sur la raison -
la vraie, non la raison raisonnante emplie de préjugés positivistes.
Il
en résulte un ouvrage passionnant, s’adressant à un large public, dénué de
toute polémique, d’une grande clarté, qui, à travers le dialogue fictif mais
vivant d’un croyant et d’un agnostique, n’évite aucune objection, progresse pas
à pas, énonçant des vérités simples, profondes, imparables, fondées sur des éléments
rigoureusement logiques.
Bernard
Legras s’interroge sur le contenu et la véracité des
quatre évangiles canoniques. Ainsi chemine-t-il avec nous jusqu’à l’affirmation
centrale : « Si la Résurrection n’avait pas eu lieu, les évangiles n’auraient
pas été écrits de la même façon. » Sur l’historicité de Jésus, la
matérialité de sa mort sur la croix, l’authenticité du tombeau vide, le mystère
des apparitions, leur difficile chronologie, l’argumentation est serrée - d’une
précision chirurgicale, pourrait-on dire -, au point qu’une fois le livre
refermé on se prend à penser qu’il est plus rationnel de croire que de ne pas
croire. Oui, si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine. Des
évangiles, on ne parlerait même plus aujourd’hui, sinon comme de curieux textes
évoquant un étrange rabbi galiléen du premier siècle et une belle morale
antique perdue dans le désert de Judée…
Bien
entendu, au terme de ce parcours, rien n’est asséné ni imposé. Tout est
suggéré, proposé. La foi, Bernard Legras le sait, ne
peut venir que d’une rencontre personnelle avec le Ressuscité. Croire est
toujours un acte de foi. Mais certains livres plus que d’autres peuvent aider à
faire le pas.
Evêque de Nancy et
Toul
Lorsque les évêques de France
voulurent réfléchir à une façon plus actuelle d’initier des enfants, des jeunes
ou des adultes à la foi chrétienne, ils invitèrent tous ceux qui souhaitaient y
prendre part à se laisser guider par la grande liturgie de la nuit pascale. En
effet, cette nuit est le sommet de l’année liturgique car on y annonce et on y
célèbre la résurrection de Jésus, cœur de la foi chrétienne.
C’est au cours de cette liturgie
nocturne que sont baptisés les adultes ayant demandé à devenir chrétiens. L’antique
façon de procéder donnait à voir de façon merveilleuse la relation du baptême
avec la mort et la résurrection de Jésus. Le futur baptisé, dénommé
catéchumène, se dépouillait de ses vêtements, indiquant par là son désir de se
convertir et de changer de vie. Puis, il descendait dans la piscine baptismale,
s’unissant ainsi symboliquement et néanmoins réellement à la mort de Jésus et à
sa mise au tombeau. Ensuite, après qu’on l’eut plongé dans l’eau entièrement et
à trois reprises en prononçant ces paroles : « Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint
Esprit », il remontait de la fontaine baptismale tel le Christ
surgissant de la mort au matin de Pâques. Puis, il revêtait un vêtement blanc,
signifiant qu’il avait désormais à vivre avec le Christ en enfant de Dieu.
Il n’y a pas mieux que cette
liturgie pascale et baptismale célébrant la résurrection de Jésus pour saisir
de l’intérieur ce qui fait le cœur de la foi chrétienne et en quoi la
résurrection de Jésus concerne toute l’existence des baptisés.
En parcourant le livre de Bernard
Legras sur la foi chrétienne en la résurrection de
Jésus, le lecteur remarquera la place donnée par l’auteur à la peinture. De
nombreux tableaux de grands peintres y sont présentés. Non pas pour agrémenter
un texte qui serait austère, mais parce que la résurrection de Jésus ne peut
pas être appréhendée par la seule raison. Certes, celle-ci a toute sa place. Ce
petit livre de dialogue entre un chrétien et un non chrétien en témoigne, ainsi
que les nombreuses références à des biblistes, à des théologiens et à d’autres
auteurs. Mais, d’autres voies s’avèrent particulièrement pertinentes pour
approcher quelque peu les vérités de foi. L’art en est une. Ainsi, la
résurrection de Jésus est avec l’annonciation à Marie et le récit des pèlerins
d’Emmaüs, une des pages évangéliques les plus représentées par les peintres.
Pourtant, il n’y a pas eu de témoins de cet événement. Personne n’a vu Jésus
sortir de son tombeau. Nous n’avons que le témoignage des disciples auxquels il
s’est manifesté après résurrection d’entre les morts. Les peintres n’ont pas pu
s’appuyer sur un récit de l’événement. Leurs œuvres ne sont donc pas
descriptives. Elles sont une expression de leur foi à l’intérieur de la foi de
l’Eglise fondée sur celle des apôtres.
En contemplant l’ensemble des
tableaux présentés dans ce livre, on remarquera un fond commun. On ne s’en
étonnera pas puisque les artistes partageaient une même foi. Mais on observera
aussi des différences dues à l’approche personnelle de l’événement par chaque
peintre et à son génie artistique. Les vérités de foi sont toujours accueillies
par des personnes avec leur culture, leur sensibilité et leurs interrogations
propres. Cela permet de mieux appréhender la richesse du mystère que l’on
cherche à présenter sans l’enfermer dans une seule façon de voir. N’est-ce pas
pour cela que l’Eglise a toujours maintenu quatre évangiles alors que certains
voulaient les fondre en un seul ? Ainsi, on peut dire que l’ensemble des
œuvres présentant la résurrection de Jésus peut être considérée comme une
exégèse picturale de l’événement. De plus, à la différence de la raison qui
cherche plus ou moins à contraindre l’interlocuteur, c’est le génie de l’œuvre
artistique comme de la liturgie de conduire au cœur du mystère de la foi tout
en laissant chacun libre d’y adhérer ou non.
La conjugaison dans ce livre de
la discussion et de l’art est particulièrement heureuse. En allant de l’une à l’autre,
le lecteur se fera également contemplateur. Peut-être voudra-t-il alors, si ce
n’est déjà le cas, aller jusqu’à une approche liturgique. Mais alors, ce sera s’engager
dans une démarche proprement croyante qui relève de la liberté de chacun.