` sommaire 

L'informatique médicale au CHU de Nancy

par B. LEGRAS avec la collaboration de F. KOHLER

 

 

         

  

I - A l'origine, un homme : le Professeur Jean MARTIN

 

En 1965, le conseil de la Faculté de Médecine décide la création d'une section de Biomathématiques, Statistique et Informatique Médicale et la confie au Professeur Jean Martin. En 1969, la Faculté de Médecine, au titre du Vème Plan Recherche, est dotée par le Ministère de l’Education Nationale d’un terminal lourd sur l’ordinateur de l’Université (I.U.C.A.). Grâce à la Caisse Primaire d’Assurances Maladies de Nancy, il a été possible d’augmenter son unité centrale pour permettre un travail en autonome. Ce terminal permet de commencer de nombreuses applications en temps différé dès 1969.

En 1970, Jean Martin, Professeur en Biophysique Médicale auparavant, est nommé Professeur à titre personnel en Informatique Médicale. Un an plus tard, il est chargé de la direction d'un groupe de recherche INSERM d'Applications Médicales de l'Informatique.

Avec son équipe, Jean Martin aborde dès 1969 la mise en place et l'exploitation des dossiers médicaux informatisés. La première expérience a eu lieu dans le département d'anesthésie-réanimation du Professeur Jean-Marie Picard. Elle a été rapidement suivie de nombreuses autres à une cadence croissante, année après année. Une enquête réalisée en 1975 (1) montrait déjà que plus de la moitié des services hospitaliers de Nancy étaient ou avaient été utilisateurs de ces techniques informatiques !

Après le départ pour Paris du Professeur Constant Burg, Jean Martin devient chef du Service de Médecine Nucléaire. Mais il lui faut attendre 1982 pour que soit créé le « Service d'Informatique Médicale » qu'il appelait de tous ses vœux. La discipline qu'il avait contribué à forger, était enfin reconnue à part entière. Bientôt, en 1984, il allait participer au recueil et à l'exploitation des résumés de sortie du PMSI ainsi qu'à l'élaboration du plan d'informatisation du CHU. Mais en juin 1985, Jean Martin est touché par la maladie qui l'emporte en octobre 1986. Le Professeur Bernard Legras prend alors sa succession, après avoir été son assistant en 1967, son chef de travaux en 1976 et son agrégé en 1981.

Les travaux réalisés durant cette époque ne se limitaient pas aux dossiers informatisés mais touchaient à de nombreux autres domaines : modélisation des systèmes compartimentaux (technique utile pour mieux prévoir la cinétique des traceurs et des médicaments), traitements mathématiques des scintigraphies (2) (lissage, convolution,..), reconstruction des images en tomographie d'émission, optimisation des doses en radiothérapie externe, reconnaissance rapide des médicaments en collaboration avec l'équipe du Professeur Larcan, études sur les diabétiques pour­suivies avec le Professeur Debry, épidémiologie des affections bucco-dentaires dans le monde.

 

II - Le Service d'Informatique Médicale – Evolution

 

Le Service d'Informatique Médicale (SIM) s'installe à l'hôpital Marin en décembre 1985 à proximité du Centre Régional d’Informatique Hospitalière (CRIH). Sa mission essentielle consiste à prendre en charge le « Programme de Médicalisation du Système d’Information » (PMSI) qui avait débuté de façon limitée en octobre 1984 (dans les locaux de la Médecine Nucléaire à Brabois). L’équipe est amenée à développer des programmes nécessaires pour saisir les données, exploiter les informations (listes, bilans d’activité, études de morbidité, statistiques par « Groupes Homogènes de Malades », ..), d’abord sur micro-ordinateur puis sur un mini-ordinateur plus puissant. Le CHU de Nancy fait partie des premiers établissements français à « se lancer » dans le PMSI. Pour motiver le corps médical fort réticent, le résumé de sortie est « adapté » avec une certaine extension des données et des retours nombreux d’informations. En 1989, une base de données médicales de plus de 200000 résumés médicaux est constituée mais de nombreux services restent en dehors. Notons que les dossiers médicaux ne se sont pas limités aux résumés du PMSI ; par exemple, de 1992 à 1996, 90000 dossiers d’anesthésie provenant du Service du Professeur Marie-Claire Laxenaire ont été saisis et exploités à l’aide d’un logiciel écrit par le Docteur Luc Feldmann, assistant hospitalier.

En 1992, le SIM se diversifie et devient SIMES (« Service d'Informatique Médicale Epidémiologie et Statistiques »). Le Professeur Briançon et le Docteur Guillemin, auparavant rattachés au service d’hygiène, rejoignent le SIMES et développent l’épidémiologie clinique. Une « consultation » de statistique est mise en place et accueille de nombreux médecins ou thésards pour les aider à exploiter et analyser leurs données. 

 Pour répondre aux textes officiels, le DIM (« département d’information médicale ») est créé ; le Professeur Kohler (assistant puis MCU-PH sous Jean Martin) est l’élément moteur de cette nouvelle structure, décrite plus loin. Le SIMES continue de s'occuper de la saisie des données PMSI et prend en charge les exploitations spécifiques des services (listes..).

En 1996, pour améliorer la cohérence, l'ensemble des activités liées au PMSI est attribué au DIM. Le SIMES conserve certains développements informatiques : logiciels de laboratoire (en bactériologie, microbiologie, médecine nucléaire) et d’exploitation de dossiers médicaux (le logiciel PMSI-PC devenu plus tard après réécriture complète en 2000 le logiciel SESIM est employé par de nombreux services). En bactériologie, les développements réalisés en collaboration étroite avec le Professeur Jean-Claude Burdin permettent d’estimer les infections nosocomiales à partir des données du laboratoire de bactériologie (3). Le logiciel « Bactério » (repris en 1996 par la société nancéienne Info-Partner devenue grâce à lui partenaire de Bio-Merieux) propose même une « alerte » qui permet d’attirer rapidement l’attention des hygiénistes en cas d’augmentation « significative » de germes « hospitaliers » dans un service. Ces travaux originaux ont été à l’origine de nombreuses publications et d’un chapitre de livre.

En 1998, le SIMES devient SEEC (« Service d'Epidémiologie et Evaluation Cliniques ») avec le Professeur Briançon pour chef de service. Le nouveau service est orienté vers l’évaluation, les enquêtes épidémiologiques et participe largement à de nombreux programmes de recherche clinique (PRC). L'informatique ne fait plus partie de ses missions officielles. Toutefois, le logiciel SESIM continue d’être amélioré et largement employé dans le CHU, notamment en Médecine Nucléaire, en collaboration avec J-M Escanyé, MCU (4). SESIM est utilisable en dehors du dossier médical ; il sert en particulier pour gérer une base historique informatisée créé en 2004, celle des professeurs de la Faculté de Médecine de Nancy depuis sa création en 1872.

Parmi les autres développements informatiques, on peut mentionner les programmes mis au point par le docteur Xavier Herbeuval (MCU) pour exploiter les résultats d’examen de biochimie (logiciel « Chronos »).

 

III - Le Département d’Information Médicale – du DIM à l’ANADIM 

 

Le Département d’Information Médicale connaît des évolutions profondes dans les années 1995 à 2000.

Le GRAIH de Lorraine donne une impulsion à la mise en commun d’outils informatiques et de partage d’informations entre les établissements lorrains avec constitution d’une base d’exploitation régionale et d’éléments de qualité tant vis-à-vis de l’évaluation des DIM eux-mêmes que des outils informatiques comme les aides au codage (diagnostics, actes).

MAOUSC, modèle conceptuel de description de ce qu’est un acte médical est élaboré à Nancy avec l’aide d’Olivier Bodenreider qui à la suite de son séjour initial aux Etats-Unis a intégré la « National Library » à Bethesa et ce en collaboration avec les équipes de Rennes et de Marseille. Ce modèle et les outils informatiques développés vont servir à la validation des libellés de ce qui deviendra la Classification Commune des Actes Médicaux. En parallèle, le développement du serveur Web à la Faculté de Médecine permet l’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement avec l’utilisation de la visio-conférence pour la formation à distance dans le certificat d’informatique médicale.

En 1998, la mise en place d’une cellule d’analyse de gestion conduit à une réflexion systémique entre l’analyse de la technostructure, le dossier du patient et la qualité des soins. En accord avec la direction générale et la présidence de la CME, un rapprochement s’opère entre la structure administrative d’analyse de gestion et le DIM. Ainsi naît l’ANADIM co-dirigé par Eliane Toussaint directeur d’hôpital et François Kohler PU-PH.

Cette structure prend en charge l’ensemble des statistiques institutionnelles, PMSI, SAE et leur exploitation sous forme de tableaux de bord, d’analyse d’activité, de prise en compte des enquêtes institutionnelles ou non. Pour ce faire, des logiciels spécifiques sont élaborés et permettent de réaliser des bilans d’activité trimestriels avec valorisation de l’activité dans les différents postes d’analyse financière préfigurant la mise en place de la Tarification A l’Activité. Ces bilans sont adressés  aux services, à la direction, à la CME.

A ces statistiques institutionnelles s’ajoutent les statistiques à la demande des services. D’autre part, la structure a en charge la démarche « qualité - accréditation ». A ce titre l’ANADIM élabore différents logiciels permettant la gestion de la démarche initiale d’autodiagnostic et l’exploitation des résultats, le plan d’amélioration de la qualité et la mise en place des groupes d’autodiagnostic pour la démarche officielle.

La Loi du 4 mars 2002 avec la mise en place des accès directs aux dossiers par les patients est l’occasion pour l’ANADIM de développer tous les programmes informatiques nécessaires au suivi et à l’organisation de ces accès.

En ce qui concerne les archives, l’ANADIM a développé une base de données multi-média permettant de numériser tant les dossiers papier que l’imagerie médicale regroupant par patient l’ensemble des dossiers des différents services qu’il a fréquentés.

Par ailleurs au-delà de l’aspect comptable et de pure évaluation des pratiques médicales, dans la continuité des systèmes d’aide à la décision médicale initialement menés avec le logiciel SELF, les travaux sur l’implantation électronique des guides de bonnes pratiques cliniques font l’objet de la thèse d’université du docteur Pierre Gillois MCU-PH. L’articulation de ces travaux prenant comme unité le patient et non un séjour, alimente également des recherches sur l’analyse des trajectoires des patients dans le système de santé hospitalier. Nicolas Jay utilise ainsi les motifs fréquents et les treillis de Gallois pour analyser les recours des malades cancéreux au sein des établissements de Nancy.

Pendant cette période de nombreux travaux ont été menés sur le système d’information hospitalier en particulier sur la manière d’identifier de manière fiable le patient bénéficiant d’une prestation qu’il soit présent physiquement ou non dans l’hôpital.

François Kohler en tant que membre du conseil scientifique du GMSIH, essaie sans grand succès, d’infléchir l’approche par applications fonctionnelles non intégrées et non communicantes menées par le CRIH du CHU de Nancy pour s’orienter vers un système d’information hospitalier centré sur les processus ouverts sur la médecine de ville.

En 2003 le Professeur Eliane Albuisson par mutation de Clermont Ferrand vient à Nancy sur le poste libéré par le départ en retraite du Professeur Bernard Legras.

En 2004 le changement de directeur général remet en cause cette organisation avec retour à un DIM uniquement centré sur le PMSI.

 

 

Bibliographie

 

1 - Présentation de plusieurs années d’applications médicales de l’informatique au CHU de Nancy

MARTIN J, MUR J-M, MARTIN L, BENAMGHAR L, VIARD D

Annales Médicales de Nancy, 287- 292, 1975.

 

2 - Introduction aux méthodes mathématiques et informatiques en médecine nucléaire.

MARTIN J, MONOT C, LEGRAS B.

Dans « Médecine Nucléaire », 147-157, Ed. Flammarion, 1975.

 

3 - Apport de l'informatique à la surveillance des infections nosocomiales

LEGRAS B    

Dans « Les infections nosocomiales et leur prévention » ,78-93, Ed. Ellipses, 1990.

 

4 - Mise au point d'une solution simple et économique de gestion, d'archivage et de traitement d'images en Médecine Nucléaire sur micro-ordinateur.

ESCANYE J-M, LEGRAS B, ROUSSEL K.

Revue Française de Médecine Nucléaire, 2001, 25, 417-422

 

5 – Santé publique et Hôpital

Numéro spécial des Annales Médicales de Nancy et de l’Est – 1991

Nombreux articles portant sur l’informatique, le PMSI…